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VARIÉTÉ

 


ALEXANDRE MILLERAND

Président de la République

M. Alexandre Millerand, que le Congrès de Versailles a élu Président de la République, par 695 voix sur 892 votants, est né à Paris, le 10 février 1859. Il fit ses études de droit en entra au barreau en 1881. Son début y fut très remarqué. Sa première plaidoirie à succès, en1882, fut en faveur des mineurs de Montcéau-les-Mines. Cette même année, il était désigné comme secrétaire de la conférence des avocats. En 1884, il était élu conseiller municipal du quartier de la Muette. Aux élections générales de 1885, qui avaient lieu au scrutin de liste, sa candidature fut posée à Paris, et aux élections complémentaires de décembre, il fut élu député. En 1887, il entrait à la commission du budget.
A la Chambre, M. Millerand s'occupait surtout des questions ayant un caractère de réformes sociales : lois fiscales, de protection ouvrière, de transformation des impôts, d'organisations syndicales. Il défendit, devant le tribunal correctionnel, des syndicats poursuivis comme non autorisés et prononça à ce sujet une importante plaidoirie.
Il devint, par la disparition ou l'éclipse plus ou moins momentanée des anciens chefs parlementaires, le chef de la gauche socialiste au Parlement, dont il s'efforça, de grouper les éléments rivaux. L'union socialiste eut pour organe la Petite République, dont il fut rédacteur en chef jusqu'en 1896.
Au lendemain des élections municipales de mai 1896, il présida à Saint-Mandé, le banquet des municipalités socialistes et prononça un discours qui eut, un énorme retentissement et dans lequel il préconisait le programme minimum du parti socialiste.
Il quitta la Petite République pour prendre la direction de la Lanterne, où il eut pour collaborateurs, entre autres MM. Briand et Viviani.

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En juin 1899, M. Waldeck-Rousseau l'appelait au ministère du Commerce.
Il y préconisa des réformes sociales, qui, sous son impulsion, aboutirent : sur les conditions du travail des femmes, le repos hebdomadaire, les retraites ouvrières, l'extension de la capacité des syndicats, la marine marchande, la création de l'Office national de la propriété industrielle.
Après la chute du ministère. Waldeck-Rousseau, en 1902, il poursuivit ce programme de réformes sociales à la Chambre, où il fut nommé président de la commission d'assurance et de prévoyance. sociales, et à ce titre fit voter la loi des retraites ouvrières.
En juillet 1909, il fut appelé au ministère des Travaux publics ; il occupa ce poste jusqu'en novembre 1910. Il organisa les chemins de fer de l'État, et fit voter la loi sur l'autonomie des ports.
En janvier 1912, M. Poincaré lui confia le portefeuille de la Guerre qu'il conserva jusqu'en 1913. Revenu à son banc de député, il s'occupa presque exclusivement des questions concernant la défense nationale ; il préconisa une forte organisation militaire en prévision de l'agression de l'Allemagne
A la déclaration de guerre, le 3 août 1914, il fut appelé à la présidence de la sous-commission du Ravitaillement au ministère de la, Guerre ; le 25 août 1914, il acceptait le portefeuilles de la Guerre, qu'il conserva jusqu'à là démission du ministère Viviani en 1915.
A l'armistice, le gouvernement faisait appel à M. Millerand pour prendre en main, comme commissaire général de la République à Strasbourg, l'administration de l'Alsace et de la Lorraine.
Enfin, le 20 janvier dernier, M. Millerand succédait à M. Clemenceau, comme président du Conseil.
M. Millerand a été élu, en 1917, membre de l'Académie des sciences morales et politiques.

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Le nouveau Président de la République est un grand travailleur. Levé de bon matin, après une courte promenade et un frugal repas, il se met à besogne, et son labeur dure jusqu'au soir, à peine interrompu vers une heure, par un second déjeuner non moins frugal que le premier.
La journée faite, sa joie est de se retrouver à la table familiale, auprès de Mme Millerand et de ses enfants.
Il a toujours aimé le calme travail loin des bruits de la grande ville. Les habitants de Montsoult, un petit village de la banlieue nord, montrent avec orgueil une modeste maison de paysan adossée à la côte et toute ombragée de grands arbres, où, il y a quelque trente-cinq à quarante ans, habitait un jeune avocat laborieux. C'est là que le nouveau Présidant de la République a préparé ses premiers plaidoyers retentissants, là que sont nées en lui les premières espérances d'un avenir fécond qui devait le conduire à la plus haute magistrature de l'État.
Le nouveau maître de l'Elysée préfère au faste des palais l'intimité d'un modeste foyer. Récemment encore, n'habitait-il pas une simple villa à Versailles plus volontiers que le somptueux logis du quai d'Orsay ?
Les joies de la famille sont pour M. Millerand d'un prix inestimable. Il est vrai qu'il peut les goûter pleinement. Mme. Millerand, dont nous plus loin un portrait qui reflète toutes les grâces de la femme, est une maîtresse de maison parfaite. Le ménage présidentiel a vu deux fois s'accomplir ce que la tradition populaire appelle le « voeu du roi » : il a deux garçons et deux filles. L'aîné des fils, M. Jean Millerand, âgé de 22 ans, est déjà pour son père un excellent collaborateur : il a fait sous sa direction ses premières armes diplomatiques, et, l'a accompagné aux conférences de San-Reno, d'Hythe et de Spa.
Mlle Marthe Millerand, une charmante jeune fille de 18 ans, donnera à sa mère, une aide précieuse dans les réceptions de l'Élysée. M. Jacques Millerand, le second fils du Président, est élève au lycée Henri-IV. Enfin la famille se complète d'une gracieuse fillette de 10 ans, Mlle Alice plus communément. dénommée Lily dans l'intimité.
Tel est le cercle de famille au milieu duquel le Président trouve ses plus pures joies.
De même que par sa fermeté, par son ardeur au travail, par la clarté de son esprit, M. Millerand est le type représentatif de notre caractère national, de même son foyer peut être montré comme le modèle de ces familles françaises où survivent. et fleurissent toutes les vertus intimes qui font la vie meilleure et le bonheur plus doux.

Ernest Laut

Le Petit Journal Illustré du dimanche 3 octobre 1920