Les grands faits
UNE GLOIRE FRANÇAISE
Une cérémonie très émouvante
a réuni à l'Hôtel de Ville de Paris les principales
personnalités de la capitale pour la remise de la cravate de la Légion
d'honneur à M. Charles Vaillant. On n'ignore pas que l'illustre radiologiste
est un de nos plus glorieux martyrs de la science. Brûlé par
les redoutables mystérieux rayons, domptés par lui pour le
plus grand bien des malades, il a dû être opéra à
treize reprises différentes et se trouve maintenant amputé
des deux bras.
La Semaine
Le respect des tombeaux. - Gare aux vampires
! - Musiques et retraites militaires.
Le respect des morts compte parmi les plus beaux sentiments qui animent
les vivants. Les Anglais, habitués à le pratiquer pieusement,
commencent à s'effrayer un peu des sacrilèges que quelques-uns
de leurs compatriotes commettent en ce moment dans la Vallée des
Rois, ou ils bouleversent sans vergogne le tombeau d'un pauvre diable de
Pharaon qui ne demandait qu'a reposer en paix.
Une des dernières séances de la Chambre des Communes nous
apport l'écho de leurs scrupules un peu tardifs. Quelques députés
anglais estiment qu'on aura fait tout ce qu'exige l'intérêt
de la science quant on aura examiné, dénombré et photographié
tout ce que contient l'hypogée ; et qu'après cela on pourrait
bien laisser la momie dans son sarcophage au lieu de l'en arracher, de la
démailloter de ses bandelettes et de la transporter dans quelque
musée pour la livrer aux curiosités de la foule et scientifique
dans la profanation des tombeaux ?.. Et pourquoi l'homme qui saccage une
tombe datant de deux ou trois mille ans est-il un personnage qu'on honore
et qu'on décore, alors que celui qui profane une tombe fermée
d'hier est traité de vampire et traîné en prison. Voilà
ce que se demandent les Anglais scrupuleux.
La morale de tout ceci, c'est que l'humilité posthume est la seule
garantie d'un repos qui ne sera pas troublé. Les rois, les princes
et les hauts personnages de l'Égypte ancienne étaient bien
imprudents de se faire enterrer avec tous leurs trésors. Gardons-nous
de les imiter, car il n'y pas que l'intérêt de la science qui
guide les profanateurs de tombeaux.
La coutume - renouvelée des Barbares - d'inhumer les gens avec leurs
bijoux familiers est bien dangereuse pour la tranquillité des morts.
Elle s'inspire peut-être de la piété des vivants qui
ne veulent point enlever à leurs parents disparus les joyaux que
ceux-ci aimèrent au temps de leur vie ; mais la vraie piété
ne consiste-t-elle pas bien plutôt à garder précieusement
dans les familles ces chers souvenirs des disparus et de se les transmettre
de génération en génération ?
L' instituions des musiques militaires
est singulièrement menacée. Le temps de service n'est plus
suffisant pour que l'on puisse faire des élèves au régiment.
Et les jeunes Français arrivant au service n'ont en général
aucune éducation musicale et ne pratiquent aucun instrument... Pourquoi
l'enseignement de la musique instrumentale est-il ainsi négligé
chez nous ?
Il y a une douzaine d'années, l'armée française comptait
encore 194 musique. Elle en compte aujourd'hui près de cent de moins.
C'est grand dommage, surtout pour les villes de garnison, qui sont privées
des concerts et des retraites militaires. Elles n'ont déjà,
en général, pas trop d'occasions de se distraire.
On n'imagine pas combien était important naguère dans nos
villes le rôle de la musique réglementaire.
Deux fois par semaine, le jeudi et le dimanche, les musiciens jouaient les
plus beaux morceaux de leur répertoire sur le mail ou la place la
mieux ombragée de la cité. Et toute la population se pressait
autour du kiosque pour les applaudir.
Et puis il y avait tous les soirs retraite par la batterie et au moins une
fois -généralement le samedi - retraite en musique.
La retraite, avait pour objet de rappeler aux soldats de la garnison l'heure
venue de regagner la caserne, dont les portes se fermaient une demi-heure
plus tard.
En réalité, au lieu de faire rentrer les habitants chez eux,
comme le vieux couvre-feu de naguère, elle les faisait sortir. Les
badauds suivaient les tambours ; et c'était un spectacle qui, renouvelé
quotidiennement, avait toujours son charme et son agrément.
Ces traditions seront-elles définitivement abolies ?... Ne tentera-t-on
rien pour ne pas priver nos villes de garnison de leurs chères musiques
militaires ; pour leur assurer ces concerts et ces retraites en musique
qui sont leurs seules distractions habituelles, et qui, dans les soirs d'or
où l'en se sent revivre.
Versant quelque héroïsme au coeur des citadins.
Ernest Laut.
Le Petit Journal Illustré du dimanche 4 mars 1923