Un match international de hockey féminin
Au stade de la Porte-Dorée, un nombreux
public, composé surtout d'Américains, assistait au match qui
mettait aux prises l'équipe représentative des États-Unis
et une équipe composée par plusieurs clubs parisiens. Et c'était
merveille de voir, au cours d'une partie acharnée et dans un sport
aussi mouvementé que le hockey, que les joueuses conservaient, dans
chacun de leurs gestes,
une grâce exquise.
LE TUNNEL SOUS LA MANCHE
Périodiquement, la question du tunnel
sous la Manche est posée devant l'opinion publique. C'est une façon
de tâter le terrain, de se rendre compte si le projet mûri depuis
longtemps approche de l'heure de sa réalisation.Or, il n'y a plus
de doute maintenant : non seulement toutes les Chambres de commerce en France,
toutes les associations, voire tous les particuliers, réclament ce
tunnel indispensable au développement économique des deux
pays ; Mais en Angleterre, d'ou vinrent jusqu'à ce jour les irréductibles
oppositions, on partage désormais le même avis, on a hâte
de voir se créer ce lien nouveau entre les îles britanniques
et le continent.
Les objections anglaises étaient d'ordre militaire et d'ordre moral.
De l'autre côté du détroit, on redoutait l'invasion
de l'Angleterre par une armée surgissant à improviste du tunnel.
Mais, plus encore peut-être, l'orgueil national se sentait touché
tout l'idée que le Royaume-Uni, si fier de son splendide isolement,
ne serait plus tout à fait une île.
Ces deux raisons, aussi incompréhensible l'une que l'autre à
nos yeux de Français, furent pourtant assez fortes pour mettre obstacle
à l'entreprise. Mais, depuis quelques années, un fait nouveau
s'est produit qui a bouleversé les conditions d'existence des peuples,
c'est l'admirable progrès de l'aviation.
Les Anglais n'ont plus à craindre l'envahissement de leur territoire
par une armée cheminant le long d'un tunnel... puisque des avions
de transport pourraient bien mieux remplir cette tâche. Ils n'ont
plus à défendre l'insularité de leur pays, puisque
ces mêmes avions le relient chaque jour au continent. Ainsi, par une
étrange ironie, si bientôt le chemin de fer peut aller directement
de Paris à Londres, c'est à l'avion qu'on le devra.
***
La première idée du tunnel
sous la Manche remonte à 1875. Elle fut tout d'abord accueillie aussi
favorablement en Angleterre qu'en France. Une commission franco-anglaise
fut créée pour étudier l'entreprise et les premiers
travaux commencèrent de part et d'autre. En 1882, il y avait déjà,
au pied de la falaise de Douvres, une galerie de deux kilomètres,
dont glus de 1.500 mètres s'enfonçaient sous la mer, et, du
coté français, une galerie de 1.800 mètres. Mais l'opinion
anglaise s'émut tout à coup, et c'est alors que des objections
militaire et morales que j'ai dites intervinrent si impérieusement
que tout fut abandonné.
Heureusement, les deux sociétés d'études, l'une française,
l'autre britannique, ont subsisté jusqu'à ce jour. Elles ont
conjointement poursuivi leurs projets. Elles sont prêtes à
entrer en action.
A l'heure actuelle, les plans et devis du tracé, modifié pour
la dernière fois en 1919, sont au point. La réalisation technique
en sera des plus aisées, grâce aux moyens puissants dont dispose
aujourd'hui l'art de l'ingénieur : congélation des terrains
aquifères, caissons à air comprimé, perforatrices électriques
a grand rendement, pompes à énorme débit, machines
à injecter le ciment ou à couler le béton enfin, pour
l'exploitation, emploi de la traction électrique.
Le projet définitif est dû à M, Sartiaux, L'éminent
ingénieurs en chef des chemins de fer du Nord, qui, durant de longues
années. Il y a consacré tous ses soins avec son collaborateur,
l'ingénieur L.
Breton.
La mort a empêché Monsieur
Sartiaux de voir son œuvre se réaliser. Il a été
remplacé à la tête de la société française
du tunnel par Monsieur Javary, le directeur actuel de la compagnie de chemins
de fer du Nord.
Voici quelques détails sur
l'œuvre à entreprendre. Deux voies parallèles se détacheront
la ligne de Boulogne-Calais à 6 km de Marquise dans le Pas-de-Calais,
et s’enfonceront sous la mer, au Sud des Escalles, par deux tunnels
cylindriques parallèles de 5m50 de rayon.
Après avoir gagné en
pente douce la côte de 95 mètres au-dessous du niveau de la
mer, soit 45 mètres plus bas que la profondeur maximum de la Manche.
Les deux voies remonteront pour sortir sur les côtes anglaises à
Shakespeare-Cliff, et rejoindre, par une large boucle la ligne Douvres-Londres.
Le tunnel comportera une longueur
totale de 54 km. Il suffira de 40 minutes à un train de voyageurs
pour le franchir.
De distance en distance, les deux
tunnels seront reliés entre eux par des galeries. Pour permettre
l'évacuation des eaux et des déblais, on établira en
contrebas des voies, un tunnel latéral aboutissant à deux
puits d'accès de 125 mètres de profondeur, s’ouvrant
sur chaque rive. Ce tunnel plus petit que les autres - il aura trois mètres
de diamètre - sera le premier construit. Il servira à lancer
vers le tracé des tunnels définitifs un certain nombre de
rameaux qui seront autant de points d'attaque et de chantier. Un petit chemin
de fer électrique à voie de 0 M 60 fonctionnera dans cette
galerie provisoire. Pendant tout le temps des travaux. Assurant un trafic
journalier de 4000 tonnes de matériaux et de 1200 ouvriers.
Grâce aux moyens modernes employés et à la multiplicité des chantiers, on estime à deux années de temps nécessaires pour l'œuvre principale de perforation et cinq ans d'achèvement du tunnel. Quand au prix de revient, on évalue d'après le dernier devis établi, 1 milliard 670 millions de francs.
Claude Francueil.
Le Petit Journal Illustré du dimanche 23 mars 1924