NOS GRAVURES
La Police nous défend


On a longtemps reproché à la police de ne pas agir avec assez d'énergie contre les malandrins dont l'audace croît sans cesse. Mais, depuis quelques années, il en va autrement. Chaque fois que la vie des citoyens paisible est en jeu, les agents interviennent avec promptitude, avec courage et avec une impitoyable sévérité.
Ces méthodes, qui permettent à notre police de remplir efficacement son rôle si souvent délicat, ont donné chez nous les meilleurs résultats.
C'est ce qu'on vient de constater tout dernièrement encore. Rue du Mont-Cenis, dans ce quartier de Clignancourt qui est un des quartiers les plus peuplés de Paris, une passante, Mlle Dechut, se vît attaquer soudain par un individu qui lui arracha son sac à main et s'enfuit. La volée et des passants qui se trouvaient là s'élancèrent à la poursuite du voleur. Il y eut une rapide chasse à l'homme. Mais le fuyard ayant rejoint quelques-uns de ses acolytes, qui l'attendaient, tous se retournèrent et firent feu sur la foule.
Une courte panique s'en suivît. Cinq personnes gisaient à terre, plus ou moins grièvement blessées. A ce moment intervint un gardien de la paix, M. Paimbœuf. Sans hésiter, il s'élança vers le groupe hostile et la poursuite recommença. Mais, au moment d'être rejoints, trois des bandits se retournèrent de nouveau et tirèrent sur l'agent.
M. Paimboeuf sortit alors son browning et le déchargea contre ses adversaires. Plus adroit qu'eux, il abattit d'une balle entre les deux yeux celui qui avait volé précisément le sac à main de Mlle Dechut. Les autres eurent le temps de disparaître.
Transporté au poste central du XVIIIe arrondissement, l'individu en question fut identifié. C'est un Espagnol nommé Alexandro Perez, âgé de vingt-quatre ans, et demeurant en garni boulevard de la Chapelle.
Une fois de plus se trouve justifiée la campagne entreprise par le Petit journal contre les étrangers indésirables qui pullulent dans les grandes villes de France et y apportent le trouble, le désordre ou le scandale.

LE FAIT DE LA SEMAINE

Jamais le jouet opulent et le jouet compliqué n'ont triomphé, semble-t-il, autant que cette année.
En considérant ces jours-ci dans un de nos magasins à la mode, le rayon de ces jouets de luxe, je me rappelais une page lue naguère dans je ne sais plus quel recueil de mémoires du XVIII éme siècle.
L'auteur racontait que Louis XIV, devenu très vieux, se plaisait quelquefois à faire ouvrir une armoire de son appartement et à en extraire les jouets qu'il avait conservé, du temps de sa jeunesse.
C'est ainsi qu'il montrait à ses familiers un magnifique carrosse en miniature, attelé de huit chevaux et conduit par un postillon tout habillé de pourpre et d'or. Ce carrosse marchait par un mouvement d'horlogerie, les chevaux caracolaient, le postillon agitait son fouet. C'était superbe. Et l'objet paraissait tout neuf.
Comme chacun s'émerveillait de l'état de conservation du joujou, le roi dit :
- C'est qu'il n'a pas servi. Il était trop beau. Mes précepteurs ne me permettaient pas d'y toucher.
Je crois bien qu'il en sera de même pour beaucoup de jouets opulents ou scientifiques qui ont été donnés aux petits enfants de c'est trop beau ou c'est trop délicat. On les fera fonctionner deux ou trois fois pour amuser les parents bien plus que les enfants ; après quoi on les mettra dans une armoire.
Mais eux-mêmes seront-ils plus sages que ne l'ont été leurs parents, et auront-ils le bon sens de ne donner à leurs fils et leurs filles que de vrais joujoux ?..
Naguère, un organisa une exposition rétrospective du jouer, et chacun put constater qu'on n'y voyait guère que des jouets de grand prix. C'est qu'on n'avait pas trouvé de jouets commues. Ceux-ci avaient servi, et, par conséquent, avaient été brisés.
Par contre, les beaux jouets abondaient. Comme pour le carrosse de Louis XIV, on n'avait eu que la peine de les tirer des armoires où la prudence des parents les avait relégués.
L'ingéniosité des inventeurs de jouets scientifiques a beaucoup plus profité aux grands, qu'aux petits. Beaucoup d'inventions pratiques ont commencé par être des jouets. Mais l'enfant, lui, préfère le joujou simpliste aux plus merveilleux bibelots animés que la science imagine pour lui plaire.
Un psychologue, qui a étudié l'influence du jouet sur l'esprit de l'enfant, constate que les joujoux qui l'amusent le plus sont ceux où il a le plus à inventer.
Dès que l'enfant joue, il vit dans un rêve. Les jouets scientifiques ne peuvent que troubler ce rêve. Ils étonnent l'enfant, ils ne l'amusent pas.
Ne donnons donc pas à l'enfant des joujoux trop compliqués, ni trop beaux, ni trop nombreux. Sachons les choisir. L'essentiel est qu'ils favorisent les jeux de son imagination.
L'enfant a bien le temps de faire connaissance avec les réalités de la science. Laissons-le jouer d'abord : nous l'instruirons après.
Et si nous parlions un peu de vos poupées, mesdemoiselles?... Il en est de jolies - et j'ai remarqué que ce n'étaient pas les plus coûteuses. Mais il en est de laides. Nous avons encore vu de ces poupées aux yeux en boule, aux cheveux ébouriffés, au teint bistré, qui semblent maquillées...
Ces laideurs sont-elles faites pour amuser les petites filles? Je doute qu'elles y réussissent. Loin de les égayer, elles les effrayeront plutôt. Ces yeux énormes donnent à ces figures des expressions de cauchemar; le premier sentiment des petites filles qui les regardent ne saurait être qu'un sentiment de répulsion et de peur.
Quelle sottise que de déformer le visage des poupées!... Loin d'avoir une figure de monstre, la poupée doit être parée de toutes les grâces et de toutes les séductions. Dans l'imagination de la petite fille, la poupée est son enfant. Comment l'aimera-t-elle, comment la considérera-telle comme sa fille si la poupée a une figure affreuse et de gros yeux en boules de loto?
« La poupée, dit Victor Hugo dans Les Misérables, est un des plus impérieux besoins et en même temps un des plus charmants instincts de l'enfance féminine. Soigner, vêtir, parer, habiller, déshabiller, rhabiller, enseigner, un peu gronder, bercer, dorloter, endormir, se figurer que quelque chose est quelqu'un, tout l'avenir de la femme est là. Tout en rêvant et tout en jouant, tout en faisant de petits trousseaux et de petites layettes, l'enfant devient jeune fille, la jeune fille devient femme. Le premier enfant continue la première poupée...»
Eh bien, dites-moi, comment la poupée contribuera-t-elle à faire ainsi l'éducation maternelle de la petite fille si, à première vue, elle lui apparaît laide, et si elle inspire l'horreur au lieu d'inspirer l'amour?
Ernest Laut.

 

Le Petit Journal Illustré du 4 janvier 1925