Nos gravures
Un odieux attentat communiste
En reconstituent, dans notre première
page, en couleurs, le récent attentat de la rue Damrémont,
reconstitution faite d'après des croquis pris sur place et des témoignages
irrécusables, le Petit Journal illustré a cru de
son devoir de stigmatiser ainsi la tentative, aussi odieuse que stupide,
d'un parti qui prétend organiser la société future
sur des bases nouvelles, mais, en fait, n'est qu'une forme de l'anarchie
et ne tend vers rien de moins que les pires catastrophes, les luttes sanglantes,
la misère générale et le néant.
La campagne électorale qui vient de se dérouler en vue des
élections municipales a été le prétexte de cet
attentat, commis dans un des quartiers les plus populaires de Paris.
Une réunion politique avait lieu ce soir-là au 113 de la rue
Championnet, sous la présidence de M. Taittinger, député
de la Seine, lorsqu'un groupe important de jeunes gens, venus du centre
de Paris, sortit de la station du Nord-Sud de la place Jules-Joffrin et
se diriges vers le local de la réunion, il était onze heures
passées la nuit assez sombre et les rues environnantes encombrées
par endroit divers groupes qui semblaient attendre des groupes communistes.
Les nouveaux venus s'étaient engagés dans la Damrémont
lorsqu'un tramway passa à leur hauteur projetant sur eux la clarté
de ses ampoules électriques. Soudain, sans qu'il y eut la moindre
provocation, d'étranges commandements retentirent (tous les témoins
sont d'accord pour l'affirmer) ; « Par ici, le secteur ! En tirailleurs
! Feu !» , Des coups de revolver crépitèrent aussitôt.
Ce fut une longue fusillade exécutée, froidement, méthodiquement
par les communistes sur des personnes sans défense.
On releva trois morts (sans compter un décès qui survint plus
tard) et une quarantaine de blessés. La police, accourue, arrêta
deux des meurtriers pris sur le fait. Les autres disparurent. Mais on sait
que le gouvernement a pris les mesures nécessaires pour rechercher
tous les coupables, quels qu'ils soient, et pour empêcher le retour
d'une tentative semblable, tentative qui à soulevé unanimement,
dans la même réprobation, les Français de tous les partis.
Nous n'avons pas à craindre, heureusement, le succès des théories
sanglantes des adeptes du communisme. En dehors des dispositions énergiques
prises par la police, le bon sens de chez nous a toujours suffi et suffira
toujours pour y mettre obstacle.
Au royaume d'utopie
Toutes les tentatives de communisme pratique ont échoué lamentablement
Si l'on peut faire abstraction du caractère
odieux du récent attentat de la rue Damémont et regarder les
choses froidement, objectivement ; si l'on veut, selon le procédé
employé parfois en géométrie, « supposer le problème
résolu », on se trouve amené à admettre, j'entends
- en théorie, que le communisme est une forme sociale au même
degré que les autres.
Ce n'est pas moi qui le dis, remarquez-le, ce sont les théoriciens
du parti, mais, pour mieux étudier la question, j'accepte pour un
instant, leurs conclusions.
Supposons donc que le système communiste, soit par la violence, soit
par la volonté librement consentie des hommes, ait été
établi ici où là dans le vaste monde. Que se passera-t-il?
Tenir le rôle de prophète est toujours discutable. Mais des
expériences de cette sorte ont été déjà
faites. Nul n'en peut nier les résultats. Voyons-les !
Robert Owen, à la fois riche industriel écossais et communiste
convaincu, fut le premier, en 1925, à tenter de mettre en pratique
l'idéal collectiviste. il acheta une concession aux États-Unis
et fonda la colonie de New-Harmony. Ce fut un désastre, Cette colonie
fut bien vite accaparée par des paresseux prétendant vivre
aux dépens des colons courageux de la première heure. Quand
le trop confiant fondateur cessa d'envoyer à New-Harmony de l'argent
et des vivres, ce fut la misère, l'abandon, la mort rapide de la
colonie.
Étienne Cabet, l'auteur du Voyage en Icarie, n'avait cru
écrire qu'un roman fantaisiste. Ses lecteurs enthousiastes le transformèrent,
malgré lui, en apôtre social. il avait décrit un pays
créé par sa seule imagination où tous les hommes étaient
heureux, sans lois, sans obligations d'aucune sorte, presque sans travail.
il fallut réaliser ce réve. Ses adeptes s'embarquèrent
pour le Mexique et fondèrent une colonie communiste dans une partie
alors déserte du Texas. L'aventure tourna si mal que, lorsque Cabet
lui-même vint rejoindre la merveilleuse Icarie, on faillit lui faire
payer cher sa folle imagination. Cabet, exilé, alla mourir misérablement
à Saint-Louis ; les colons, vaincus et désabusés, se
dispersèrent.
Dans les mêmes régions du Texas, au bord de la Rivière
Rouge, le Phalanstère, créé par Victor Considérant,
n'eut pas un meilleur sort. Au Brésil, le fondateur du Kosmos, autre
tentative plus récente de collectivisme, s'enfuit avec la caisse.
En Angleterre, le phalanstère deWhisevay sombra dans l'anarchie.
Au bout de peu de temps, les femmes qui y vivaient l'abandonnèrent
en masse. « Elles avaient constaté, remarque l'historien de
cet essai, que le communisme mène à l'exploitation du travailleur
par le fainéant ». Toutes peinaient du matin au soir, comme
des bêtes de somme, tandis que les hommes se promenaient, les mains
dans les poches, ou rêvaient.
En France, nous avons eu quelques expériences de communisme pratique.
Elles ont fini de la même façon. Le Phalanstère agricole
de Condé-sur-Vesle fit fiasco, ruinant Fourier et ses partisans.
Fiasco, également, la retraite à Ménilmontant, du père
Enfantin et des Saint-Simoniens. Fiasco enfin La Clairière d'Aiglemont,
fondée en 1903, dans les Ardennes par Fortuné Henry
Celle-ci commença bien, cependant. Henry, ancien voyageur pour une
maison de pharmacie, défricha seul, sur les bords de l'Argonne, un
terrain qu'il avait acheté. Six mois après, il y fut rejoint
par sa femme, puis par deux libertaires. Des bâtiments furent construits,
des champs labourés, ensemencés, du bétail acheté.
Bientôt, le phalanstère compta quatre hommes, trois femmes
et trois enfants. Mais la brouille ne tarda pas à se mettre entre
les ménages. des disputes violentes éclatèrent, la
haine acheva de dissocier les adeptes désabusés. Fortuné
Henry abandonna la colonie, les autres l'imitèrent, Bref, au mois
de mars 1909, le terrain, le matériel et les bêtes furent vendus
aux enchères publiques. Cette colonie, que le fondateur avait appelée
pompeusement « La cellule initiale de l'humanité future »,
n'avait pas duré six ans !
***
Si ces essais n'ont pas réussi, disent les thêoriciens du parti,
c'est précisément parce qu'ils étaient trop restreints,
trop limités. Mais nous voyons actuellement en Russie se développer
une expérience en grand, une expérience aussi démonstrative
qu'on le peut souhaiter. Qu'en peut-on conclure?
Le régime communiste se prolonge en Russie parce qu'il évolue.
Deux principes fondamentaux du système rigoureux, sont déjà
violés: la propriété existe puisque tous les cultivateurs
sont propriétaires de leurs terres; la monnaie d'échange existe
(et non les bons de consommation comme le voudrait la théorie). Les
soviets ont même rétabli l'étalon-or. Quant aux ouvriers,
ont-ils bien à se louer de la situation actuelle? D'après
les documents les plus surs, le nombre des chômeurs s'élevait,
au 1er octobre 1924, à 1.400.000 ; les salaires d'aujourd'hui sont
inférieurs de 33 % à ceux de 1913.
De ce rapide examen où seuls sont cités des faits et des chiffres
indéniables, il, ressort que le communisme est impossible. Et la
raison en est bien simple. Il part de cc principe que tous les hommes sont
parfaits... - Hélas !
Roger Régis.
Le Petit Journal Illustré du dimanche 10 mai 1925