TROP DE JEUNES PARESSEUX...
TROP DE JEUNES CRIMINELS !

La criminalité juvénile a presque triplé en cinquante ans

Dans notre « Variété » du 20 Octobre, nous montrions que, pendant ces cinq dernières années, la criminalité a augmenté dans une proportion de 40 %, et nous insistions sur ce fait que, parmi les auteurs de ces crimes de sang si fréquents aujourd' hui, on comptait un nombre de plus en plus considérable de jeunes gens de quinze à vingt ans. En 1850, il y avait en France 13,000 enfants criminels. En 1906, il y en a eu plus de 30,000.
Nous avons déjà traité ici (voir le
Supplément du Petit Journal du 21 Avril 1907) ce pénible sujet de la « jeunesse criminelle », mais c' est, hélas ! un sujet inépuisable et sur lequel d' affreux crimes, comme celui que viennent de commettre les jeunes assassins de Firminy, ramènent sans cesse l' attention.
Quelles sont les causes de l' augmentation constante de la criminalité chez les jeunes gens ?... Ces causes sont d' ordre divers. L' hérédité y a sa part ; l' alcoolisme est un des coupables. Les fils d' alcooliques sont souvent des êtres dégénérés entraînés fatalement à la paresse et au crime.
Mais, à côté de cette cause physiologique, il en est une autre purement morale, et c' est le manque, ou même l' absence totale d' éducation. Que de parents sont responsables des fautes commises par leurs enfants ! Ils ont négligé de les surveiller ; ils leur ont donné de mauvais exemples, parfois même ils les ont poussés au vice.
Un directeur de quartier correctionnel, en étudiant de près les cas des enfants qu' il avait à sa garde, est arrivé aux conclusions suivantes : 13 % avaient été élevés convenablement, 8 % avaient été incités à mal faire par leurs parents eux-mêmes, 38 % avaient grandi à l' abandon, 40 % avaient été l' objet d' une surveillance insuffisante et mauvaise.
Vous le voyez, c' est le défaut d' éducation qui avait causé la chute de 86 % de ces malheureux.
Les enfants moralement abandonnés sont aujourd' hui légion. Ils commencent par vagabonder par les rues et par les routes ; ils y font de mauvaises connaissances ils y vivent bientôt dans la promiscuité des pires scélérats. Le vagabondage est l' école où se forment les futurs assassins. Une loi malencontreuse, promulguée en Mars 1900, a entraîné la suppression à peu près générale de l' apprentissage dans l' industrie ; il en résulte que beaucoup de jeunes gens qui, autrefois, étaient employés dans les ateliers, courent aujourd' hui les rues et que, au lieu d' un métier honorable, ils n' apprennent plus que la paresse et le crime.
Car c' est par la paresse qu' ils commencent et c' est par le crime qu' ils finissent.
Ce sont d' abord de petits voyous qui lézardent sur les bancs de nos squares et de nos boulevards, injurient les passants, volent aux étalages ; puis, un jour, l' occasion d' un beau coup se présente et ils ne reculent pas devant l' assassinat. Et l' on voit alors des gamins de quinze à dix-huit ans commettre froidement d' abominables crimes, comme celui de ce misérable Ravachol.
Jamais les criminels n' ont été aussi précoces qu' aujourd' hui. Et, comme par un défi au bon sens, c' est à l' heure où le manque d' éducation a supprimé pour eux toute sanction morale qu' on s' applique à adoucir les sanctions pénales et à leur enlever la dernière crainte qui leur restait celle du gendarme.

Le Petit Journal illustré du 17 Novembre 1907